NEILA CZERMAK ICHTI, IBRAHIM MEÏTE SIKELY – LOVE YOU TO DEATH

LOVE YOU TO DEATH

ARTISTE: NEÏLA CZERMAK ICHTI | IBRAHIM MEÏTE SIKELY
DATE: 20 NOVEMBRE 2021 — 8 JANVIER 2022 
GRAPHISME: TOMAS DI GIOVANNI
IMAGES © THEO ESCHENAUER

Pour leur seconde exposition en duo, Neïla CZERMAK ICHTI et Ibrahim MEÏTÉ SIKELY exposent un ensemble de peintures, pour certaines inédites. Le titre de cette exposition renvoie à la chanson LOVE YOU TO DEATH qui narre l’histoire vampirique d’un amour, alors que la sueur salée coule de sa poitrine [As salty sweat drips from her breast]. Les imaginaires se libèrent et les mondes magiques s’ouvrent.

Dans cette sélection d’œuvres, Ibrahim MEÏTÉ SIKELY propose un fil narratif où l’artiste est au centre. Comme un regard rétrospectif de l’enfance à l’âge adulte, ces toiles sont des leçons d’apprentissage, des mémoires de lutte et de détermination. Pour Tête d’Etoile (2021), « ce petit c’est comme l’extension, le feu qu’une partie de mon âme n’a pas réussi à calmer 1 ». Paré de brassards gonflables et d’une cape rouges, une mini armure comme rappel de sa fragilité d’enfant, il regarde le monde avec une intensité presque incandescente. En arrière plan, entre ciel et terre, l’artiste figure les éléments de son énergie intérieure — flammes ardentes et éclairs grondants —, symbole d’une puissance croissante.

De cette énergie saïyens, Ibrahim propose une pluralité de techniques, articulation entre aplats et empâtements, chargeant les nuages musculeux et les membres ailés de matière picturale. Sous l’apparence d’une facture colorée et chatoyante, et à travers de multiples références à la pop-culture, l’artiste sème des indices. Il ne se satisfait pas d’une citation amusée à ces emblèmes, ce sont ici des icônes, des codes, des messages disséminés, compréhensibles par celleux qui ont la référence, à l’instar des images paraboliques des œuvres de la Renaissance. On trouve la mémoire des violences policières à travers Defacement de Basquiat, et une critique des systèmes établis par la figure d’Onizuka (Droopy Season, 2020) ; un univers gothique et funeste par la présence de Ryûk, dieu psychopompe de Death Note (Shinigami realm, 2021) ; une allégorie des espaces-temps et des intermondes grâce à Trunks du futur (Tête d’Etoile, 2021). Ces mentions renvoient
à des questions de justice et de vendetta, de guérison et de trauma, d’amertume et de fierté, d’obscurité et de pouvoir.

Si l’éclat, la vitesse, le mouvement apparaissent au premier regard, les actions restent en suspens. Dans les larges aplats bleu et la facture du ciel, comme un temps dilaté, se lit alors la profondeur d’une mélancolie et l’ouverture vers des possibles à conquérir.

Dans cette nouvelle série de peinture, Neïla CZERMAK ICHTI affirme une esthétique gothique héritée de ses goûts pour les films horrifiques et fantastiques, et des pochettes d’album de death metal et de rap horrorcore.

Avec Erudite (2021), l’artiste ouvre la voie vers des mondes plus étranges, non-visibles. Elle dépeint un être hybride, son corps nu et charnel accroupi sur le lit, crête iroquoise punk sur la tête, nœud de ruban à la queue; laissant penser autant à la figure de l’alu-fiélonne, féminin descambions dans la littérature occulte qu’aux héroïnes maudites d’Octavia Butler. Génétiquement modifiées, dotées d’intuition et d’hypersensibilité, elles arpentent des terres hostiles. Ici, sa protagoniste s’instruit et lit un livre imagé sur les aphorismes du désir. Par ces atouts et éléments, Neïla renverse la passion du côté de la mort.

Les œuvres de Neïla CZERMAK ICHTI traduisent une affection pour la nuit, où tout brille plus fort; les yeux jaunes des chats et la chaleur des bougies (Erudite, 2021), les lumières de la fête foraine et les paillettes des pantalons (Les Anges de la Porte Dorée, 2021), le cuir des corsets et la puissance de la lune (Sans Titre (Unless), 2021). Ainsi, une ambiance sombre, noire se dégage, soulignée par des jeux chromatiques de rehaussements phosphorescents que l’on retrouve parsemés ça et là, comme des points de lumières. Chacune de ces peintures traitent alors de feux et cheminements intérieurs: la toile d’araignée de One of the most hardcore she is (Amel) (2021) symbolise la patience et la résilience tandis qu’Aziz (2021) figure l’avatar de l’artiste dans Grand Theft Auto parcourant des espaces virtuels isolés.

Toutefois, l’artiste caresse cette solitude, marquée d’encre dans la peau, « JE SUIS SEULE ET TOUJOURS SEULE », en peuplant ces univers de compagnon.ne.s fabuleuxses. Les sorcières, les anges, la créature de Frankenstein, les chauve-souris, les dragons, les vampires, les fantômeset les monstres sont dépeints dans leurs mondes. En sécurité, ils peuvent être eux-mêmes et révèlent dans l’intimité leur beauté, leur tendresse et leur bonhomie.




 

1 Entretien entre Inès Di Folco et Ibrahim Meïte Sikely dans le cadre du dispositif Take over sur le profil Instagram du Frac Lorraine, 9 avril 2021.