Dans l’œuvre de Mouna Bakouli, c’est le cheminement inverse qui se produit. Si dessins et peintures s’effectuent sur des matériaux pauvres et révèlent un goût pour la récupération, le seconde main — autant l’objet déjà utilisé que la chose de seconde zone, le low, le crade, le PMU —, les formes, ici, se dénudent. Le corps est donné à voir au-delà de la chair, les organes jusqu’aux os, fragilisé par « l’angoisse du monde du travail »<6>. Ce regard anatomique montre des êtres vivants sans vigueur, animés par des fluides secs, des « sac[s] d’ordures qui pend[ent] de la tête »<7>. Passé ce premier état de décomposition macabre, elle propose une œuvre aux teintes musicales jouant avec les contretemps, un rapiècement de fragments disparates, « un sauté de cervelles »<8>.
Improvisation, polyrythmie, syncope, le vocabulaire du souffle propre à l’énergie du jazz se prête bien à la description des œuvres de Mouna Bakouli. Par le rythme, le tempo, le rire et la dérision, elle redonne vie à des pantins désarticulés, des petits pois déshydratés, des intestins entrelacés.